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Carmina Burana

Cher public,

Veuillez trouver ici le programme détaillé des concerts des Carmina Burana organisés en collaboration avec le Poulpe Festival. Nos concerts présentent ces célèbres poèmes médiévaux sous deux formes: Dans l’église paroissiale, deux grands concerts sont consacrés à la cantate pour solistes, chœurs d’enfants, chœur mixte, pianos et percussions de Carl Orff. Sur les scènes du Festival, un ensemble de musiciens proposent des extraits des originaux médiévaux du Codex Buranus de Benediktbeuren.

    Présentation de la Cantate de Carl Orff

    Carmina Burana, c’est le titre donné par le bibliothécaire de la cour de Munich aux deux cents chants rassemblés dans un manuscrit du XIIIème siècle découvert, en 1803, au couvent de Benediktbeuren, dans le Tyrol. Ces textes en bas latin, en moyen haut allemand et en vieux français, ainsi qu’un certain nombre de strophes réunissant ces différentes langues, célèbrent avec verdeur et sensualité́ le plaisir de manger, de boire, de jouer et d’aimer.

    Carl Orff fut enthousiasmé par la lecture de ces poèmes dont « le rythme entraînant et le caractère imagé de ces poèmes, et tout autant la musicalité riche en voyelles et la concision unique de la langue latine » lui inspire une musique qui rencontrera, dès sa création en 1937, un grand succès.

    Les vingt‐quatre chants de la cantate encadrés par une invocation à Fortuna, déesse de la destinée et de la chance, sont organisés en trois grands complexes thématiques : le printemps, la taverne et l’amour, qui sont les thèmes favoris des goliards et des vagants, clercs restés laïcs et qui, ayant partagé les bancs des facultés avec les prêtres, connaissent parfaitement la littérature latine en vogue aux XIème et XIIème siècles.

    La gaieté́ bucolique du printemps est évoquée dans l’unisson d’une litanie, avant l’appel joyeux de l’amour lancé par des cloches carillonnantes. La danse orchestrale Uf dem Anger renoue avec un ancien usage populaire de Bavière, avant la plainte des jeunes filles en moyen‐haut allemand mâtiné́ de bas latin, Floret silva nobilis. Leur coquetterie dans Chramer, gip die Varwe mir ne suscite chez les hommes qu’elles veulent aguicher par un savant maquillage que des commentaires narquois. Leur dialogue cède ensuite la place à l’invocation bachique à la reine d’Angleterre, sans doute Aliénor d’Aquitaine, épouse du roi Henri II Plantagenet, et initiatrice d’une des cours les plus célèbres de l’époque courtoise.

    L’esprit théâtral de la deuxième partie de l’œuvre, intitulée In Taberna, à la taverne, est incontestable : elle débute par une confession satirique et, avec un plaisir effréné́, professe la pravitas, la dépravation. La voix de fausset du cygne qui rôtit dans la poêle offre une parodie du ténor buffo ; puis, dans un discours d’ivrogne, le saint patron du jeu de dés se présente, et se proclame abbé́ du pays de Cocagne ; cette scène de ripailles culmine dans un chœur d’hommes entraînant, qui célèbre le plaisir de boire dans une exubérance orgiaque.

    Dans la troisième partie, la Cour d’amours, alternent et se mélangent l’innocence feinte et le raffinement, la plainte amoureuse et la quête de l’amour, tandis que Si puer cum puellula, poème érotique et cru, chanté a capella par les hommes, précède In trutina, le tendre aveu amoureux de la dame à son chevalier. L’hymne à Hélène et à Vénus se termine sur la reprise du vigoureux chœur initial, construit sur un ostinato. Cette répétition symbolise la roue du destin qui tourne sur elle-même ; Orff l’avait découverte sous forme de miniature dans le recueil des Carmina Burana.

    D’après un article d’Uwe Kraemer traduit par Odile Demange

    Carmina Burana, Carl Orff (1895-1982)

    Léonie Renaud (soprano), Alexandre Beuchat (baryton), Thierry Dagon (haute-contre)

    Chœur de Chambre de l’Université de Fribourg avec des élèves du Gymnase GYB (direction Sidonie Repond)

    Chœur Chanteclair et Chœur d’enfants Les Ménestrels (direction Anaëlle Désert)

    Philippe Morard, Florent Lattuga, pianos

    Louis-Alexandre Overney, timbales

    Charles de Ceuninck, Jacques Hostettler, Yves Kolly, Annick Richard, Nicolas Sutter, percussions

    Pascal Mayer, direction

     

    Carmina Burana : Cantiones profanæ, cantoribus et choris cantandæ, comitantibus instrumentis atque imaginibus magicis

    Poèmes chantés de Beuern : Chants profanes, pour chanteurs solistes et chœurs, avec accompagnement instrumental et images magiques.

    Carl Orff, (1935-1936), 1937, cantate scénique, première partie des Trionfi

     

    La roue de la Fortune avec les inscriptions « Je règnerai », « Je règne », « Je régnais », « Je suis sans royaume »
    Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 1r

    FORTUNA IMPERATRIX MUNDI

    1. O FORTUNA

    Chœur

    CB 17: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 1r

     

    O Fortuna
    velut Luna
    statu variabilis,
    semper crescis
    aut decrescis.
    Vita detestabilis
    nunc obdurat
    et tunc curat
    ludo mentis aciem,
    egestatem
    potestatem
    dissolvit ut glaciem.
    O Fortune
    comme la Lune
    à l’état variable,
    toujours tu croîs
    ou décrois.
    La vie détestable
    d’abord insensibilise
    et ensuite veille
    par jeu sur l’acuité de l’esprit,
    la pauvreté
    le pouvoir
    elle les dissout comme glace.
    Sors immanis
    et inanis,
    rota tu volubilis,
    status malus
    vana salus,
    semper dissolubilis
    obumbrata
    et velata
    michi quoque niteris.
    Nunc per ludum
    dorsum nudum
    fero tui sceleris.
    Sort monstrueux
    et vain,
    tu [es] la roue qui tourne,
    état mauvais
    vain salut,
    toujours divisée
    ombrageuse
    et voilée
    tu me contrains aussi.
    Maintenant par jeu
    mon dos nu
    je présente à ta scélératesse.
    Sors salutis
    et virtutis
    michi non contraria,
    est affectus
    et defectus
    semper in angaria.
    Hac in hora
    sine mora
    corde pulsum tangite
    quod per sortem
    sternit fortem
    mecum omnes plangite.
    Le hasard du salut
    et de la vertu
    ne m’est pas contraire,
    il est affecté
    et épuisé
    toujours en corvée.
    À cette heure
    sans retard
    touchez la corde vibrante
    qui par le sort
    terrasse le courageux
    avec moi tous pleurez.

    2. FORTUNE PLANGO VULNERA

    Chœur

    CB 16: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 48v

    Fortune plango vulnera
    stillantibus ocellis
    quod sua michi munera
    subtrahit rebellis.
    Verum est, quod legitur,
    fronte capillata,
    sed plerumque sequitur
    occasio calvata.
    De Fortune je pleure les blessures
    les yeux pleins de larmes
    parce que ses présents elle me
    [les] retire rebelle.
    Il est vrai, ce qui est dit,
    que son front porte de longs cheveux
    mais le plus souvent s’ensuit
    une occasion devenue chauve.
    In Fortune solio
    sederam elatus,
    prosperitatis vario
    flore coronatus;
    quicquid enim florui
    felix et beatus,
    nunc a summo corrui
    gloria privatus.
    Sur le trône de Fortune
    je m’étais assis noblement
    des fleurs de la prospérité,
    variées, couronné;
    car j’ai prospéré quelque peu
    heureux et comblé,
    maintenant d’en haut je me suis écroulé
    privé de ma gloire.
    Fortune rota volvitur:
    descendo minoratus,
    alter in altum tollitur,
    nimis exaltatus
    rex sedet in vertice
    caveat ruinam!
    Nam sub axe legimus
    Hecubam reginam.
    De Fortune la roue tourne:
    je descends amoindri,
    un autre s’élève là‐haut,
    trop exalté
    le roi s’assoit au sommet:
    qu’il prenne garde à la ruine!
    Car nous lisons sous le tableau
    Reine Hécube.

    Ornements végétaux, Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 64

    I. PRIMO VERE

    3. VERIS LETA FACIES

    Petit chœur

    CB 138: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 57r

    Veris leta facies
    mundo propinatur,
    hiemalis acies
    victa iam fugatur
    in vestitu vario
    Flora principatur,
    nemorum dulcisono
    que cantu celebratur.
    Du printemps la face joyeuse
    au monde s’expose,
    la rigueur hivernale
    déjà vaincue s’enfuit
    en vêtement bigarré
    Flore domine,
    et par le suave chant
    des bois elle est célébrée.
    Flore fusus gremio
    Phebus novo more
    risum dat, hac vario
    iam stipate flore
    Zephyrus nectareo
    spirans in odore.
    Certatim pro bravio
    curramus in amore.
    Allongé sur les genoux de Flore
    Phébus d’une façon nouvelle
    sourit, de fleurs variées
    il est déjà tout couvert
    Zéphyr dans un nectar
    parfumé soufflant.
    Tour à tour pour le prix de la victoire
    nous courons vers l’amour.
    Cytharizat cantico
    dulcis Philomela,
    flore rident vario
    prata iam serena,
    salit cetus avium
    silve per amena,
    chorus promit virgin
    iam gaudia millena.
    Elle cytharise dans son chant
    la douce Philomèle,
    ils rient sous les fleurs variées
    les prés encore sereins,
    une troupe d’oiseaux s’envole
    à travers l’aimable forêt,
    le chœur des vierges promet
    déjà des joies par milliers.

    4. OMNIA SOL TEMPERAT

    Baryton

    CB 136: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 56v

    Omnia sol temperat
    purus et subtilis,
    novo mundo reserat
    faciem Aprilis
    ad amorem properat
    animus herilis
    et iocundis imperat
    deus puerilis.
    Le soleil réchauffe tout
    pur et subtil,
    au monde nouveau il révèle
    le visage d’Avril,
    vers l’amour se hâte
    l’âme du maître
    et Dieu le commande
    aux joyeux enfants.
    Rerum tanta novitas
    in solemni vere
    et veris auctoritas
    jubet nos gaudere ;
    vias prebet solitas
    et in tuo vere
    fides est et probitas
    tuum retinere.
    Une telle nouveauté
    au solennel printemps
    et l’autorité du printemps
    nous ordonnent de nous réjouir;
    il montre les voies habituelles
    et dans ton printemps
    la confiance et l’honnêteté sont
    de conserver ce qui est tien.
    Ama me fideliter,
    fidem meam nota:
    de corde totaliter
    et ex mente tota
    sum presentialiter
    absens in remota,
    quisquis amat taliter,
    volvitur in rota.
    Aime‐moi fidèlement,
    remarque ma confiance:
    de tout mon cœur
    et de tout mon esprit
    je suis là en personne
    absent dans l’éloignement,
    quiconque aime ainsi
    va et vient sur la roue.

    5. ECCE GRATUM

    Chœur

    CB 143: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 59r

    Ecce gratum
    et optatum
    Ver reducit gaudia,
    purpuratum
    floret pratum,
    Sol serenat omnia.
    Iam iam cedant tristia!
    Estas redit,
    nunc recedit
    Hiemis sevitia.
    Voici que l’agréable
    et l’espéré
    Printemps ramène les joies,
    empourpré
    fleurit le pré,
    le Soleil rend tout serein.
    Déjà s’en vont les tristesses !
    L’Éte revient,
    Maintenant s’en va
    la rigueur de l’Hiver.
    Iam liquescit
    et decrescit
    grando, nix et cetera;
    bruma fugit,
    et iam sugit
    Ver Estatis ubera;
    illi mens est misera,
    qui nec vivit,
    nec lascivit
    sub Estatis dextera.
    Déjà fondent
    et décroissent
    la grêle, la neige et tous les autres;
    la brume s’enfuit,
    et déjà surgit
    le Printemps mamelle de l’Été;
    l’esprit est misérable
    qui ne vit
    ni ne folâtre
    sous la dextre d’Été.
    Gloriantur
    et letantur
    in melle dulcedinis,
    qui conantur,
    ut utantur
    premio Cupidinis;
    simus jussu Cypridis
    gloriantes
    et letantes
    pares esse Paridis.
    Ils se glorifient
    et se réjouissent
    en un miel de douceur
    ceux qui entreprennent
    d’user
    du prix de Cupidon;
    soyons aux ordre de Cypris
    nous glorifiant
    et nous réjouissant
    d’être pareils à Pâris.

    Dessin en marge du poème CB 92 Anni parte florida, Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 39

    UF DEM ANGER TANZ

    6. TANZ

    Danse instrumentale

    7. FLORET SILVA NOBILIS

    Chœur

    CB 149: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 60v

    Floret silva nobilis
    floribus et foliis.
    Ubi est antiquus
    meus amicus?
    Hinc equitavit,
    eia, quis me amabit?
    Floret silva undique,
    nah min Gesellen ist mir we.
    Gruonet der Walt allenthalben,
    wa ist min Geselle alse lange?
    Der ist geriten hinnen,
    o wi, wer sol miʹch Minnen?
    La noble forêt fleurit
    de ses fleurs et de ses feuilles.
    Où est mon antique
    ami?
    Là‐bas il a chevauché,
    Hélas, qui m’aimera?
    Tout autour la forêt fleurit,
    Mais je me languis de mon ami.
    La forêt verdit tout entière,
    pourquoi mon ami est‐il si loin?
    Il est à cheval au loin,
    Hélas, qui m’aimera?

     

    8. CHRAMER, GIP DIE VARWE MIR

    Chœur

    CB suppl. 16 (passim): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 107v
    paroles de Marie-Madeleine dans un jeu para-liturgique

     

    Chramer, gip die Varwe mir,
    die min Wengel roete,
    damit ich die jungen Man
    an ir dank der Minnenliebe noete.
    Seht mich an,
    jungen man!
    Lat mich iu gevallen!
    Gardien, donne‐moi les couleurs
    qui rosissent mes joues,
    grâce auxquelles les jeunes gens
    je prierai de m’aimer par force.
    Regardez‐moi,
    jeunes gens!
    Laissez‐moi vous séduire!
    Minnet, tugentliche Man,
    minnecliche Frouwen!
    Minne tuot iu hoch gemout
    unde lat iuch in hohen Eren schouwen.
    Seht mich an
    jungen Man!
    Lat mich iu gevallen!
    Amour, hommes vertueux,
    femmes dignes d’amour!
    Amour te sublime en esprit
    d’où te vient un grand honneur.
    Regardez‐moi
    jeunes gens!
    Laissez‐moi vous séduire!
    Wol dir, Werit, daz du bist
    also freudenriche!
    Ich will dir sin undertan
    durch din Liebe immer sicherliche.
    Seht mich an,
    jungen Man!
    lat mich iu gevallen!
    Je te veux, Monde, parce que tu es
    si riche en joies!
    Je veux t’obéir
    grâce à tes amours toujours certaines.
    Regardez‐moi,
    jeunes gens!
    Laissez‐moi vous séduire!

    9a. REIE

    Ronde instrumentale

    9b. SWAZ HIE GAT UMBE

    Chœur

    CB 167a: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 67v

    Swaz hie gat umbe,
    daz sint alles Megede,
    die wellent an Man
    allen disen Sumer gan!
    Celles qui dansent en rond
    sont toutes des jeunes filles,
    qui veulent loin des hommes
    toutes passer l’été !

     

    9c. CHUME, CHUM, GESELLE MIN!

    Petit chœur

    CB 174a: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 69v

    Chume, chum, Geselle min,
    ih enbite harte din,
    ih enbite harte din,
    chume, chum, Geselle min.
    Viens, viens, mon amour,
    je te désire ardemment,
    je te désire ardemment,
    viens, viens, mon amour.
    Suzer rosenvarwer Munt,
    chum un mache mich gesunt
    chum un mache mich gesunt,
    suzer rosenvarwer munt.
    Douce bouche couleur de rose,
    viens pour me rendre la santé,
    viens pour me rendre la santé,
    douce bouche couleur de rose.

     

    9d. SWAZ HIE GAT UMBE

    Chœur

    (reprise: voir ci-dessus)

    10. WERE DIU WERLT ALLE MIN

    Chœur

    CB 145a: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 60r

    Were diu Werlt alle min
    von deme Mere unze an den Rin
    des wolt ih mih darben,
    daz diu Chunegin von Engellant
    lege an minen Armen.
    Le monde entier serait mien
    de la mer jusqu’au Rhin
    je m’en priverais
    pour que la reine d’Angleterre
    s’allonge entre mes bras.

     

    Tout le monde boit, Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 89

    II. IN TABERNA

    11. ESTUANS INTERIUS

    Baryton

    CB 191 (passim): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 84r

    Estuans interius
    ira vehementi
    in amaritudine
    loquor mee menti:
    factus de materia,
    cinis elementi
    similis sum folio,
    de quo ludunt venti.
    Me consumant de l’intérieur
    d’une véhémente colère
    dans l’amertume
    je me parle en esprit:
    fait de matière,
    de cendres des éléments,
    je suis semblable à la feuille
    dont les vents se jouent.
    Cum sit enim proprium
    viro sapienti
    supra petram ponere
    sedem fundamenti,
    stultus ego comparor
    fluvio labenti,
    sub eodem tramite
    nunquam permanenti.
    Quand, en effet, ce serait le propre
    d’un homme sage
    de déposer sur la roche
    le siège des fondements,
    moi, stupide, je me compare
    au fleuve qui s’écoule,
    dans le même chemin
    jamais ne demeurant.
    Feror ego veluti
    sine nauta navis,
    ut per vias aeris
    vaga fertur avis;
    non me tenent vincula,
    non me tenet clavis,
    quero mihi similes
    et adiungor pravis.
    Je suis, moi, emporté comme
    un navire sans marin,
    comme par les voies aériennes
    est transporté l’oiseau vagabond;
    Les chaînes ne me retiennent pas,
    la clef ne me retient pas,
    je cherche mes semblables
    et je me joins aux gens mauvais.
    Mihi cordis gravitas
    res videtur gravis;
    iocis est amabilis
    dulciorque favis;
    quicquid Venus imperat,
    labor est suavis,
    que nunquam in cordibus
    habitat ignavis.
    La lourdeur de mon cœur me
    semble un lourd fardeau;
    le jeu est aimable
    et plus doux qu’un rayon de miel;
    quoi qu’ordonne Vénus,
    son labeur est suave,
    parce que jamais dans les cœurs
    paresseux elle n’habite.
    Via lata gradior
    more iuventutis
    inplicor et vitiis
    immemor virtutis,
    voluptatis avidus
    magis quam salutis,
    mortuus in anima
    curam gero cutis.
    Sur la large route je marche,
    à la coutume de la jeunesse
    je me plie et aux vices
    oublieux de la vertu,
    avide de volupté
    plus que de salut,
    mort dans mon âme
    je donne soin à la peau.

     

    12. OLIM LACUS COLUERAM

    Ténor et chœur d’hommes

    CB 130: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 53v

    Olim lacus colueram,
    olim pulcher extiteram,
    dum cignus ego fueram.

    Miser, miser!
    modo niger
    et ustus fortiter!

    Autrefois j’habitais un lac,
    autrefois j’exposais ma beauté
    tant que je fus un cygne.

    Malheureux, malheureux!
    maintenant noir
    je suis brûlé complètement!

    Girat, regirat garcifer;
    me rogus urit fortiter;
    propinat me nunc dapifer!

    Miser, …

    Il me troune et me retourne, le garçon;
    le bûcher me brûle complètement:
    il me sert maintenant, le serveur!

    Malheureux, …

    Nunc in scutella iaceo,
    et volitare nequeo,
    dentes frendentes video!

    Miser, …

    Maintenant je gis dans un plat,
    et je ne peux plus voler,
    je vois les dents prêtes à broyer!

    Malheureux, …

     

    13. EGO SUM ABBAS

    Baryton et chœur d’hommes

    CB 222: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 97v

    Ego sum abbas Cucaniensis
    et consilium meum est cum bibulis,
    et in secta Decii voluntas mea est,
    et qui mane me quesierit in taberna,
    post vesperam nudus egredietur,
    et sic denudatus veste clamabit:
    Je suis l’abbé de Cocagne
    et mon chapitre est constitué de buveurs,
    et ma volonté est de suivre Decius,
    et qui me chercherait le matin à la taverne,
    après le soir nu sortirait
    et ainsi dénudé de son vêtement il criera:
    Wafna, wafna!
    quid fecisti sors turpassi?
    Nostre vite gaudia
    abstulisti omnia!
    Hola! hola!
    que m’as‐tu fait sort infâme?
    Notre joie de vivre
    tu l’as toute emportée!

     

    14. IN TABERNA QUANDO SUMUS

    Chœur d’hommes

    CB 196: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 87v

    In taberna quando sumus
    non curamus quid sit humus,
    sed ad ludum properamus,
    cui semper insudamus.
    Quid agatur in taberna
    ubi nummus est pincerna,
    hoc est opus ut queratur,
    si quid loquar, audiatur.
    Quand nous sommes à la taverne
    nous ne nous soucions pas de ce qui est poussière,
    mais nous nous hâtons au jeu,
    pour lequel toujours nous transpirons.
    Ce qui se passe dans la taverne
    où l’argent est un échanson,
    il est utile de le demander,
    si je dis quelque chose, qu’on m’écoute.
    Quidam ludunt, quidam bibunt,
    quidam indiscrete vivunt.
    Sed in ludo qui morantur,
    ex his quidam denudantur
    quidam ibi vestiuntur,
    quidam saccis induuntur.
    Ibi nullus timet mortem
    sed pro Baccho mittunt sortem.
    Certains jouent, certains boivent,
    d’autres vivent sans pudeur.
    Mais ceux qui s’accoutument au jeu
    ils en seront déshabillés
    où d’autres seront vêtus,
    et certains seront couverts d’un sac.
    Là personne ne craint la mort
    mais jettent les sorts pour Bacchus.
    Primo pro nummata vini,
    ex hac bibunt libertini;
    semel bibunt pro captivis,
    post hec bibunt ter pro vivis,
    quater pro Christianis cunctis,
    quinquies pro fidelibus defunctis
    sexies pro sororibus vanis,
    septies pro militibus silvanis.
    Premier pour l’argent du vin,
    de là boivent les affranchis;
    une fois ils boivent pour les prisonniers,
    après boivent la troisième pour les vivants,
    la quatrième pour tous les Chrétiens,
    la cinquième pour les défunts fidèles,
    la sixième pour les sœurs légères,
    le septième pour les soldats en campagne.
    Octies pro fratribus perversis,
    nonies pro monachis dispersis,
    decies pro navigantibus,
    undecies pro discordaniibus,
    duodecies pro penitentibus,
    tredecies pro iter agentibus.
    Tam pro papa quam pro rege
    bibunt omnes sine lege.
    La huitième pour les frères pervers,
    la neuvième pour les moines dispersés,
    la dixième pour les navigateurs,
    la onzième pour les plaideurs,
    la douzième pour les pénitents,
    la treizième pour les voyageurs.
    Autant pour le Pape que pour le Roi
    ils boivent tous sans règle
    Bibit hera, bibit herus,
    bibit miles, bibit clerus,
    bibit ille, bibit illa,
    bibit servus cum ancilla,
    bibit velox, bibit piger,
    bibit albus, bibit niger,
    bibit constans, bibit vagus,
    bibit rudis, bibit magus.
    Elle boit la patronne, il boit le patron,
    il boit le soldat, il boit le clerc,
    il boit, elle boit,
    il boit le serviteur, elle boit la servante,
    il boit le rapide, il boit le paresseux,
    il boit le blanc, il boit le noir,
    il boit le constant, il boit l’errant,
    il boit le rustre, il boit le mage.
    Bibit pauper et egrotus,
    bibit exul et ignotus,
    bibit puer, bibit canus,
    bibit presul et decanus,
    bibit soror, bibit frater,
    bibit anus, bibit mater,
    bibit ista, bibit ille,
    bibunt centum, bibunt mille.
    Il boit le pauvre, et le malade,
    il boit l’exilé, et l’étranger,
    il boit l’enfant, il boit le vieillard,
    il boit l’évêque, et le doyen,
    elle boit la sœur, il boit le frère,
    elle boit l’aïeule, elle boit la mère,
    celle‐ci boit, celui‐là boit,
    cent boivent, mille boivent.
    Parum sexcente nummate
    durant, cum immoderate
    bibunt omnes sine meta.
    Quamvis bibant mente leta,
    sic nos rodunt omnes gentes
    et sic erimus egentes.
    Qui nos rodunt confundantur
    et cum iustis non scribantur.
    Six cent deniers bien peu
    durent, quand immodérément
    tous boivent sans limites.
    Bien qu’ils boivent l’esprit léger,
    cependant tout le monde médit de nous
    et ainsi nous serons dénués de tout.
    Ceux qui nous méprisent seront confondus
    et ne seront pas inscrits parmi les justes.

     

    Couple au bouquet, image horizontale parmi les poèmes consacrés à Flore, Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 72

    III. COUR D’AMOURS

    15. AMOR VOLAT UNDIQUE

    Soprano et chœur d’enfants

    CB 87 strophe 4: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 37r

    Amor volat undique,
    captus est libidine.
    Iuvenes, iuvencule
    coniunguntur merito.
    Amour vole alentour,
    il est captif du désir.
    Jeunes gens, jeunes filles
    sont unis avec justice.
    Siqua sine socio,
    caret omni gaudio;
    tenet noctis infima
    sub intimo
    cordis in custodia:
    Une fille sans compagnon
    manque de tous les plaisirs;
    elle retient la nuit la plus humble
    dans le fond
    de son cœur en réserve:
    Fit res amarissima. ce sera la plus grande amertume.

    16. DIES, NOX ET OMNIA

    Baryton

    CB 118 strophes 5+6+2: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 50r

     

    Dies, nox et omnia
    michi sunt contraria;
    virginum colloquia
    me fay planszer,
    oy suvenz suspirer,
    plu me fay temer.
    Le jour, la nuit et tout
    me sont contraires;
    la conversation des vierges
    me fait pleurer,
    ou souvent soupirer,
    et même me fait frémir.
    O sodales, ludite,
    vos qui scitis dicite
    michi mesto parcite,
    grand ey dolur,
    attamen consulite
    per voster honur.
    O compagnons, amusez‐vous,
    vous qui savez dites-
    moi et m’épargnez,
    grande est ma douleur,
    conseillez-moi donc
    sur votre honneur.
    Tua pulchra facies
    me fay planszer milies,
    pectus habet glacies.
    A remender
    statim vivus fierem
    per un baser.
    Ton beau visage
    me fait pleurer mille larmes,
    ton sein est de glace.
    En remède
    aussitôt je serai vivant
    par un baiser.

     

    17. STETTIT PUELLA

    Soprano

    CB 177 strophes 1+2: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 70r

     

    Stetit puella
    rufa tunica;
    si quis eam tetigit,
    tunica crepuit.
    Eia!
    Une jeune fille était là
    en tunique rouge;
    si quelqu’un la touchait,
    la tunique bruissait.
    Eia!
    Stetit puella
    tamquam rosula;
    facie splenduit,
    os eius fioruit.
    Eia!
    Une jeune fille était là
    Comme un bouton de rose;
    Son visage resplendissait,
    Sa bouche fleurissait.
    Eia!

    18. CIRCA MEA PECTORA

    Baryton et chœur

    CB 180 strophes 5-7: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 71r

     

    Circa mea pectora
    multa sunt suspiria
    de tua pulchritudine
    que me ledunt misere.
    Manda liet,
    Manda liet
    min geselle
    chumet niet.
    Tout autour de mon cœur
    nombreux sont les soupirs
    à cause de ta beauté
    qui me blesse misérablement.
    Entonne un chant,
    entonne un chant,
    mon bien aimé
    ne vient pas.
    Tui lucent oculi
    sicut solis radii,
    sicut splendor fulguris
    lucem donat tenebris.
    Manda liet
    Manda liet,
    min geselle
    chumet niet.
    Tes yeux luisent
    comme les rayons du soleil,
    comme la splendeur de l’éclair
    donne la lumière aux ténèbres.
    Entonne un chant,
    entonne un chant,
    mon bien aimé
    ne vient pas.
    Vellet deus, vallent dii
    quod mente proposui:
    ut eius virginea
    reserassem vincula.
    Manda liet,
    Manda liet,
    min geselle
    chumet niet.
    Que Dieu veuille, que les dieux soutiennent
    ce que j’ai imaginé dans mon cœur:
    que de sa virginité
    je puisse ouvrir les chaînes.
    Entonne un chant,
    entonne un chant,
    mon bien aimé
    ne vient pas.

    19. SI PUER CUM PUELLULA

    Baryton et chœur d’hommes

    CB 183: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 71v

     

    Si puer cum puellula
    moraretur in cellula,
    felix coniunctio.
    Amore suscrescente
    pariter e medio
    avulso procul tedio,
    fit ludus ineffabilis
    membris, lacertis, labii.
    Si un garçon avec une jeune fille
    s’attardent dans une chambrette,
    heureuse rencontre.
    L ‘amour s’accroissant
    pareillement débarrassé
    et éloigné du dégoût
    commence un ineffable jeu
    de leurs membres, leurs bras et leurs lèvres.

    20. VENI, VENI, VENIAS

    Double chœur

    CB 174: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 69r

     

    Veni, veni, venias
    ne me mori facias,
    hycra, hycre, nazaza,
    trillirivos!
    Viens, viens, que tu viennes,
    ne me fais pas mourir,
    hyrca, hyrce,nazaza,
    trillirivos!
    Pulchra tibi facies,
    oculorum acies,
    capillorum series,
    o quam clara species!
    À toi le beau visage,
    les yeux aigüs,
    les cheveux tressés,
    ô quel vue admirable!
    Rosa rubicundior,
    lilio candidior
    omnibus formosior,
    semper in te glorior!
    Plus rouge que la rose,
    Plus blanche que le lys,
    plus belle que tout,
    toujours de toi je me glorifie!

    21. IN TRUTINA

    Soprano

    CB 70 (passim): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 28r

     

    In trutina mentis dubia
    fluctuant contraria
    lascivus amor et pudicitia.
    Sed eligo quod video,
    collum iugo prebeo:
    ad iugum tamen suave transeo.
    Dans l’hésitante balance de mon esprit
    flottent les contraires,
    l’amour lascif et la pudeur.
    Mais je choisis ce que je vois,
    j’offre mon cou au joug:
    je passe alors avec délices sous le joug.

    22. TEMPUS EST JOCUNDUM

    Soprano, baryton, chœur d’enfants

    CB 179 strophes 1+4+7+5: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 70v

     

    Tempus est jocundum, o virgines,
    modo congaudete vos juvenes.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    C’est le temps de s’amuser, ô jeunes filles,
    réjouissez tout de suite les jeunes hommes.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Mea me confortat promissio,
    mea me deportat negatio.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    Elle me réconforte, ma promesse,
    je suis abattu par mon refus.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Tempore brumali vir patiens,
    animo vernali lasciviens.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    Par temps brumeux l’homme est patient,
    l’esprit printanier, il est lascif.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Mea mecum ludit virginitas,
    mea me detrudit simplicitas.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    De moi elle se joue, ma virginité,
    elle me précipite, mon ingénuité.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Veni, domicella, cum gaudio,
    veni, veni, pulchra, iam pereo.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    Viens, demoiselle, avec joie,
    viens, viens, ma belle, déjà je meurs.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.

    23. DULCISSIME

    Soprano

    CB 70 (fin): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 28r

     

    Dulcissime,
    totam tibi subdo me!
    Mon très doux,
    Je me soumets complètement à toi!

    Ornements végétaux, Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 64

    BLANZIFLOR ET HELENA

    24. AVE FORMOSISSIMA

    Chœur

    CB 77 (strophe 8): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 32r

     

    Ave formosissima, gemma pretiosa,
    ave decus virginum, virgo gloriosa,
    ave mundi luminar, ave mundi rosa,
    Blanziflor et Helena, Venus generosa!
    Salut, très belle, joyau précieux,
    salut honneur des vierges, vierge de gloire,
    salut luminaire du monde, salut rose du monde,
    Blancheflor et Hélène, Vénus la magnifique !

    25. O FORTUNA

    Chœur (reprise du premier numéro)

    CB 17 (passim): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 1r

     

    Carmina Burana, version « historiquement informée »

    Le manuscrit conservé jusqu’au XIXe siècle dans la bibliothèque de l’Abbaye bénédictine de Benediktbeuren, actuellement déposé à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich sous la cote Clm 4660, a probablement été mis en forme entre 1230 et le XIVe siècle. Il s’agit d’une très importante collection de textes poétiques, satiriques, chansons liturgiques, chansons à boire, chansons d’amour dont certains comportent des indications destinées à rappeler la mélodie sur laquelle ils étaient chantés. Les quelque 250 pièces du manuscrit sont anonymes. Mais certaines se retrouvent dans d’autres sources contemporaines ou antérieures. Les chercheurs ont pu ainsi en déterminer la paternité et, dans certains cas, reconstitué les mélodies, voire même les polyphonies qui accompagnaient ces textes.

    C’est sur la base de ces recherches que l’ensemble La Rivera, mandaté par l’Association des Concerts de Payerne, peut présenter aujourd’hui des reconstitutions « à la mode médiévale » de ces textes dont la truculence, l’impertinance même à l’égard de la hiérarchie officielle des clers, mais aussi la tendresse et l’humour consonnent encore avec le monde d’aujourd’hui.

    Ensemble La Rivera:

    • Emilie Mory, vièle à archet, chant, chalémie, percussions
    • Julia Zimina, guiterne,
    • Josquin Piguet, trompette à coulisse, corne, chant, flûtes, percussions
    • Ian Harrison, chalémie, bombarde, cornemuse, flûtes, percussions
    • Yves Dennier, vièle à roue
    • Benoît Zimmermann, organetto

    Les poèmes choisis pour les mini-concerts du Poulpe Festival reflètent différentes facettes du Codex buranus, depuis les textes quasi-liturgiques (Bonum est confidere, Crucifigat) jusqu’aux histoires glauques (Ich was ein chin so wolgetan) en passant par les chansons à boire et à manger (In taberna, Alte clamat, Bache bene venies). L’ordre des pièces ainsi que le choix des strophes pourront varier en fonction du public, du lieu et de l’heure…

    TEMPUS TRANSIT GELIDUM

    CB 153: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 61v

     

    Tempus transit gelidum,
    mundus renovatur,
    verque redit floridum,
    forma rebus datur.
    avis modulatur,
    modulans letatur
    lucidior
    et lenior
    aer iam serenatur;
    iam florea,
    iam frondea
    silva comis densatur.
    Le temps glacé s’en va,
    le monde est renouvelé,
    et le printemps fleuri revient,
    la beauté est rendue aux choses.
    L’oiseau chante,
    et par les modulation de son chant se réjouit.
    Plus clair
    et plus doux,
    l’air déjà s’apaise;
    déjà fleurie,
    déjà feuillue,
    la forêt épaissit sa frondaison.
    Ludunt super gramina
    virgines decore,
    quarum nova carmina
    dulci sonant ore.
    annuunt favore
    volucres canore,
    favet et odore
    tellus picta flore.
    cor igitur
    et cingitur
    et tangitur amore,
    virginibus
    et avibus
    strepentibus sonore.
    Sur l’herbe jouent
    de gracieuses jeunes filles;
    leurs chants nouveaux
    sonnent doux à leurs lèvres.
    Les oiseaux joignent joyeusement
    leurs chants aux leurs
    et la terre exhale
    exhale des parfums de fleurs.
    Le coeur donc
    est entouré
    et touché par l’amour,
    quand jeunes filles
    et oiseaux
    allient leurs chants.
    Tendit modo retia
    puer pharetratus;
    cui deorum curia
    prebet famulatus,
    cuius dominatus
    nimium est latus,
    per hunc triumphatus
    sum et sauciatus:
    pugnaveram
    et fueram
    in primis reluctatus,
    sed iterum
    per puerum
    sum Veneri prostratus.
    Il tend ses filets,
    le bambin au carquois;
    le coeur des dieux même
    le sert,
    lui dont la puissance
    est si grande;
    par lui je suis vaincu
    et blessé :
    je m’étais battu
    et j’ai résisté
    de prime abord,
    mais finalement
    par ce bambin
    je suis devenu un valet de Venus.
    Unam, huius vulnere
    saucius, amavi,
    quam sub firmo federe
    michi copulavi.
    fidem, quam iuravi,
    numquam violavi;
    rei tam suavi
    totum me dicavi.
    quam dulcia
    sunt basia
    puelle! iam gustavi:
    nec cinnamum
    et balsamum
    esset tam dulce favi!
    Celle-là même dont la blessure
    m’a atteint, je l’ai aimée
    et je l’ai liée
    à moi par un lien solide.
    J’ai juré ma foi,
    j’ai violé ma foi;
    à cette si douce chose
    je me suis entièrement donné.
    Comme ils sont doux,
    les baisers de la jeune fille !
    Je les ai jadis goûtés :
    ni la cannelle,
    ni le baume
    ne peuvent être aussi doux.

    PROCURANS ODIUM

    CB 12 (strophe 1): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 47v

     

    Procurans odium
    effectu proprio
    vix detrahentium
    gaudet intentio.
    nexus est cordium
    ipsa detractio:
    sic per contrarium
    ab hoste nescio
    fit hic provisio;
    in hoc amantium
    felix condicio.

    BONUM EST CONFIDERE

    CB 27: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 3r

     

    Bonum est confidere
    in dominorum Domino,
    bonum est spem ponere
    in spei nostre termino.
    qui de regum potentia,
    non de Dei clementia
    spem concipis,
    te decipis
    et excipis
    ab aula summi principis.
    quid in opum aggere
    vel exaggere
    peccatum
    in Deo cogitatum
    tuum iacta,
    prius acta
    studeas corrigere,
    in labore manuum
    et sudore vultuum
    pane tuo vescere!

    ICH WAS EIN CHINT SO WOLGETAN

    CB 185 (strophes 1, 2, 6, 9, 10): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 72r

     

    Ich was ein chint so wolgetan,
    virgo dum florebam,
    do brist mich div werlt al,
    omnibus placebam.
    Hoy et oe!
    maledicantur tilie
    iuxta viam posite!

    J’étais une fille si belle,
    Quand, vierge, je florissais
    Que tout le monde me louait ,
    A chacun je plaisais.
    Hoy et oe!
    Maudits soit les tilleuls
    sur la route plantés.

    Ia wolde ih an die wisen gan,
    flores adunare,
    do wolde mich ein ungetan
    ibi deflorare.
    Hoy et oe!
    maledicantur tilie
    iuxta viam posite!
    Je voulais aller aux champs,
    Pour faire un bouquet,
    Mais un garnement
    Voulut m’y déflorer.
    Hoy et oe!
    Maudits soit les tilleuls
    sur la route plantés.
    «Iz stat ein linde wolgetan
    non procul a via,
    da hab ich mine herphe lan,
    tympanum cum lyra.»
    Hoy et oe!
    maledicantur tilie
    iuxta viam posite!
    Là se trouvait un beau tilleul
    Non loin de la route
    C’est la que j’ai laissé ma harpe,
    Mon tympanon et ma lyre.
    Hoy et oe!
    Maudits soit les tilleuls
    sur la route plantés.
    Er warf mir ůf daz hemdelin,
    corpore detecta,
    er rante mir in daz purgelin
    cuspide erecta.
    Hoy et oe!
    maledicantur tilie
    iuxta viam posite!
    Il écarta ma chemise,
    Mon corps découvert,
    Il pénétra dans mon fortin
    la lance dressée.
    Hoy et oe!
    Maudits soit les tilleuls
    sur la route plantés.
    Er nam den chocher unde den bogen,
    bene venabatur!
    der selbe hete mich betrogen.
    «ludus compleatur!»
    Hoy et oe!
    maledicantur tilie
    iuxta viam posite!
    Il reprit son arc et son carquois
    Il avait bien chassé
    Peut-être m’a t-il trompée
    Le jeu est terminé.
    Hoy et oe!
    Maudits soit les tilleuls
    sur la route plantés.

    CRUCIFIGAT OMNES

    CB 47 (strophe 1): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 13r

     

    Crucifigat omnes
    Domini crux altera,
    nova Christi vulnera!
    arbor salutifera
    perditur; sepulcrum
    gens evertit extera
    violente; plena gente
    sola sedet civitas;
    agni fedus rapit hedus;
    plorat dotes perditas
    sponsa Sion; immolatur
    Ananias; incurvatur
    cornu David; flagellatur
    mundus;
    ab iniustis abdicatur,
    per quem iuste iudicatur
    mundus.

    ECCE TORPET PROBITAS

    CB 3: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 43r

     

    Ecce torpet probitas,
    virtus sepelitur;
    fit iam rara largitas,
    parcitas largitur;
    verum dicit falsitas,
    veritas mentitur.
    Omnes iura ledunt
    et ad res illicitas
    licite recedunt.
    Voici que l’honnêteté tombe en torpeur,
    la vertu est enterrée;
    la générosité se fait rare
    la parcimonie se répend;
    le mensonge dissimule le vrai,
    la vérité ment.
    Tous bafouent le droit
    et en toute impunité
    s’adonnent à l’illégalité.

    TEMPUS EST JOCUNDUM

    CB 179 strophes 1+2+7+8: Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 70v

     

    Tempus est jocundum, o virgines,
    modo congaudete vos juvenes.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    C’est le temps de s’amuser, ô jeunes filles,
    réjouissez tout de suite les jeunes hommes.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Cantat Philomela sic dulciter,
    et modulans auditur; intus caleo
    Oh, oh, oh, totus floreo,

    Pilomèle chante ainsi doucement,
    on l’entend chanter; et je brûle intérieurement
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,

    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Tempore brumali vir patiens,
    animo vernali lasciviens.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    Par temps brumeux l’homme est patient,
    l’esprit printanier, il est lascif.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.
    Veni, domicella, cum gaudio,
    veni, veni, pulchra, iam pereo.
    Oh, oh, oh, totus floreo,
    Viens, demoiselle, avec joie,
    viens, viens, ma belle, déjà je meurs.
    Oh, oh, oh! Je m’épanouis complètement,
    Jam amore virginali totus ardeo,
    novus, novus amor est quo pereo.
    déjà par l’amour virginal je brûle tout entier,
    un nouvel amour existe par lequel je péris.

    FAS ET NEFAS

    CB 19 (strophe 1): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 1

     

    Fas et nefas ambulant
    pene passu pari;
    prodigus non redimit
    vitium avari;
    virtus temperantia
    quadam singulari
    debet medium
    ad utrumque vitium
    caute contemplari.
    Le bien et le mal marchent
    presque d’un même pas;
    Le généreux ne rachète pas
    le vice de l’avare;
    On doit considérer
    la vertu de tempérance
    comme un juste milieu
    entre les deux vices.

    IN TABERNA QUANDO SUMUS

    CB 196 (strophes 1-6): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 87v

    In taberna quando sumus
    non curamus quid sit humus,
    sed ad ludum properamus,
    cui semper insudamus.
    Quid agatur in taberna
    ubi nummus est pincerna,
    hoc est opus ut queratur,
    si quid loquar, audiatur.
    Quand nous sommes à la taverne
    nous ne nous soucions pas de ce qui est poussière,
    mais nous nous hâtons au jeu,
    pour lequel toujours nous transpirons.
    Ce qui se passe dans la taverne
    où l’argent est un échanson,
    il est utile de le demander,
    si je dis quelque chose, qu’on m’écoute.
    Quidam ludunt, quidam bibunt,
    quidam indiscrete vivunt.
    Sed in ludo qui morantur,
    ex his quidam denudantur
    quidam ibi vestiuntur,
    quidam saccis induuntur.
    Ibi nullus timet mortem
    sed pro Baccho mittunt sortem.
    Certains jouent, certains boivent,
    d’autres vivent sans pudeur.
    Mais ceux qui s’accoutument au jeu
    ils en seront déshabillés
    où d’autres seront vêtus,
    et certains seront couverts d’un sac.
    Là personne ne craint la mort
    mais jettent les sorts pour Bacchus.
    Primo pro nummata vini,
    ex hac bibunt libertini;
    semel bibunt pro captivis,
    post hec bibunt ter pro vivis,
    quater pro Christianis cunctis,
    quinquies pro fidelibus defunctis
    sexies pro sororibus vanis,
    septies pro militibus silvanis.
    Premier pour l’argent du vin,
    de là boivent les affranchis;
    une fois ils boivent pour les prisonniers,
    après boivent la troisième pour les vivants,
    la quatrième pour tous les Chrétiens,
    la cinquième pour les défunts fidèles,
    la sixième pour les sœurs légères,
    le septième pour les soldats en campagne.
    Octies pro fratribus perversis,
    nonies pro monachis dispersis,
    decies pro navigantibus,
    undecies pro discordaniibus,
    duodecies pro penitentibus,
    tredecies pro iter agentibus.
    Tam pro papa quam pro rege
    bibunt omnes sine lege.
    La huitième pour les frères pervers,
    la neuvième pour les moines dispersés,
    la dixième pour les navigateurs,
    la onzième pour les plaideurs,
    la douzième pour les pénitents,
    la treizième pour les voyageurs.
    Autant pour le Pape que pour le Roi
    ils boivent tous sans règle
    Bibit hera, bibit herus,
    bibit miles, bibit clerus,
    bibit ille, bibit illa,
    bibit servus cum ancilla,
    bibit velox, bibit piger,
    bibit albus, bibit niger,
    bibit constans, bibit vagus,
    bibit rudis, bibit magus.
    Elle boit la patronne, il boit le patron,
    il boit le soldat, il boit le clerc,
    il boit, elle boit,
    il boit le serviteur, elle boit la servante,
    il boit le rapide, il boit le paresseux,
    il boit le blanc, il boit le noir,
    il boit le constant, il boit l’errant,
    il boit le rustre, il boit le mage.
    Bibit pauper et egrotus,
    bibit exul et ignotus,
    bibit puer, bibit canus,
    bibit presul et decanus,
    bibit soror, bibit frater,
    bibit anus, bibit mater,
    bibit ista, bibit ille,
    bibunt centum, bibunt mille.
    Il boit le pauvre, et le malade,
    il boit l’exilé, et l’étranger,
    il boit l’enfant, il boit le vieillard,
    il boit l’évêque, et le doyen,
    elle boit la sœur, il boit le frère,
    elle boit l’aïeule, elle boit la mère,
    celle‐ci boit, celui‐là boit,
    cent boivent, mille boivent.

     

    ALTE CLAMAT EPICURUS

    CB 211 (strophe 1,2,5 et canon instrumental): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 92r

     

    Alte clamat Epicurus:
    «venter satur est securus.
    venter deus meus erit.
    talem deum gula querit,
    cuius templum est coquina,
    in qua redolent divina.»
    Ecce deus opportunus,
    nullo tempore ieiunus,
    ante cibum matutinum
    ebrius eructat vinum,
    cuius mensa et cratera
    sunt beatitudo vera.
    Venter inquit: «nichil curo
    preter me. sic me procuro,
    ut in pace in id ipsum
    molliter gerens me ipsum
    super potum, super escam
    dormiam et requiescam.»

    BACCHE BENE

    CB 200 (strophe 1): Codex buranus – BSB Clm 4660 fol 89r

     

    Bacche, bene venies gratus et optatus,
    per quem noster animus fit letificatus.
    Istud vinum, bonum vinum, vinum generosum,
    reddit virum curialem, probum, animosum.